La France doit aimer son industrie
Par Henri Conze, le 13 avril 2016.
INDUSTRIE
7/7/20243 min read
La France fait face aujourd’hui à un nombre considérable de défis, alors que beaucoup de réformes indispensables pour les affronter sont encore à entreprendre. La crise que connaît le pays peut le conduire à tous les désastres, à tous les abandons, à des décisions les plus extrêmes : fracture politique et sociale, faillite, mise sous la tutelle des organismes financiers internationaux sortie de l’euro, sortie de l’Europe, etc. Cette crise, semblable à celle qu’a connue le pays à la fin de la Quatrième République, est clairement une crise de confiance : entre le peuple et le monde politique, les gouvernants et le monde de l’entreprise, les dirigeants économiques et l’État, le secteur public et le secteur privé, les acteurs au sein même des entreprises, les médias et la science, etc. Le résultat est la désindustrialisation du pays, la perte de compétitivité et la « panne » que connaît la France en matière de création de riches.
S’il faut réduire les coûts de production, essentiellement ceux liés au coût du travail, il faut aussi remettre l’industrie à la place qu’elle n’aurait jamais dû quitter. Deux grandes orientations sont à envisager. La première serait de faire du ministère de l’Industrie le « grand » ministère chargé de redonner au tissu industriel les conditions de cohérence et de continuité lui permettant de réussir. Ses responsabilités, ses missions, comprendraient notamment la définition et la mise en œuvre de la politique industrielle, la défense et le développement des PME/PMI, une politique acceptable et raisonnable de patriotisme industriel, la défense sans naïveté ni angélisme des intérêts de notre industrie en Europe et au plan international, la définition des cursus en matière d’éducation et de formation adaptés à la demande industrielle. Pour remplir ces missions, ce ministère de l’Industrie devra faire appel, sans tabou, à l’expérience, là où elle existe, et revenir aux concepts qui avaient réussi dans le passé quand il s’agissait de redresser ou de créer des secteurs industriels comme l’aéronautique, l’espace, l’armement, ou le nucléaire.
La seconde orientation serait de lancer le chantier destiné à mettre au cœur de la société l’entreprise confrontée aux incertitudes de l’environnement fiscal et juridique dans lequel elle vit actuellement. Aujourd’hui, chacun sait lui attribuer des devoirs en temps de crise comme de prospérité. Pourquoi ne pas sauter le pas et lui attribuer aussi des droits, comme celui de pouvoir se développer librement et créer des richesses sans autres contraintes que celles de ses devoirs ? Ne faut-il pas rapprocher encore plus les notions de personnalité morale et individuelle aux plans juridique et fiscal et donner au droit des entreprises les garanties de continuité et de prévisibilité dont elles ont tant besoin ?
Si le caractère d’urgence de ces chantiers est évident, il est par contre clair qu’il faudra un temps certain pour en cueillir les fruits. Dans l’immédiat, il faut évidemment à préserver les secteurs industriels qui résistent à la crise mieux que tous les autres, voire améliorer leurs performances. Mais il faut avant tout à utiliser les atouts de la France dans deux domaines, l’économie numérique et l’énergie.
Une partie de notre destin réside dans la nouvelle révolution numérique. Il en va d’un pan considérable de notre économie de demain et de centaines de milliers d’emplois à forte valeur ajoutée. La France doit définir ce qu’elle veut et mettre en place les moyens nécessaires afin de devenir un acteur de son évolution et ne pas se contenter d’en être seulement un consommateur comme elle l’a fait jusqu’à présent. Concernant l’énergie, la France peut-elle faire, aujourd’hui, un autre choix que celui de sauvegarder sa politique électronucléaire, tout en supportant, mais de façon atténuée, les contraintes des prix du pétrole et du gaz ? La poursuite contre vents et marées de la politique nucléaire de la France décidée en 1973, est bien une condition du redressement. Elle est la seule décision compatible avec notre situation financière pour maintenir, au profit de notre industrie, un coût de l’électricité à un niveau très bas par rapport à celui qui va être le lot de nos voisins européens, et pour éviter les investissements considérables qui seraient à faire si nous touchions au parc nucléaire actuel tout en voulant contrôler les émissions de gaz à effet de serre.
La clé de la sortie de crise réside dans quelques mots : la France doit retrouver confiance dans son industrie et dans ses entreprises et son industrie et ses entreprises doivent retrouver confiance en la France.
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