La Transition énergétique, chimère ou ardente obligation ?

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ENERGIE

Par Antoine-Tristan MOCILNIKAR

7/7/20249 min read

L’an dernier, notre ami émérite, Henry CONZE nous montrait les difficultés que rencontrait la politique énergétique européenne. Il nous montrait qu’elle souffrait d’incohérence et présentait de mauvais résultats. Il est notable également que cela concerne pratiquement tous les pays de l’Union.

Sur à peu près tous les indicateurs la politique énergétique UE montre qu’elle n’est pas à un optimum :

• Sécurité énergétique : dépendance européenne.
• CO2 : Efficacité/compétitivité
Nous sommes « beaucoup » à être convaincu que ce sujet est crucial, important, mais qu’au-delà de « l’effet de mode » il est intéressant de constater que les politiques énergétiques, quant à elles, ne concourent pas très clairement à maîtriser le dit sujet. En tous cas, on ne choisit pas le chemin le plus simple. Et, au total, dans quasiment tous les pays le niveau de CO2 augmente.
• Efficacité/compétitivité : presque toutes les compagnies électriques européennes ont aujourd’hui des comptes qui se sont fortement dégradés dans les dernières années. On constate par ailleurs que le coût de l’électricité explose en Allemagne, se dégrade en France. La précarité énergétique est un thème qui, malheureusement, revient d’actualité et qui n’est pas du tout derrière nous.

Une des raisons de cette situation est qu’on s’est fixé énormément d’objectifs, CO2, renouvelables, efficacité énergétique, pollution de l’air, les particules fines…
Ils sont tous légitimes, pris un par un, mais à mesure qu’on essaye de vouloir les faire avancer tous et simultanément, on doit se rendre à l’évidence : le constat, sans appel, est que tout s’emmêle et qu’au total l’ensemble devient une sorte de casse-tête, infiniment complexe.

Alors que va-t-il se passer ?
Comme sur les sujets économiques, on peut se demander comment cela va-t-il évoluer ?
Quelle synthèse va-t-on pouvoir faire ? Quelle solution va-t-on pouvoir imaginer ?

On va avoir un premier rendez-vous important avec les chiffres de 2020.
Les chiffres ’20’ est un peu symbolique, « magique » car on s’était fixé en Europe trois chiffres :
• Réduire les émissions européennes de 20%
• Réduire les consommations européennes de 20%
• Faire 20% de renouvelables

Et pour cela on s’était fixé l’horizon 20 20, donc 2020.
Tous ces 20 pourraient presque faire sourire, par leur répétition…
Mais maintenant 2020, nous y sommes !!!

Ce ne sont pas de petits sujets.
L’énergie est au cœur de l’Europe. Au cœur de la vraie Europe, celle des peuples, des nations et des destins.
L’énergie est au cœur également des institutions européennes
Ce ne sont pas des sujets nouveaux.
L’énergie est au cœur de l’avenir de l’Europe.
Le sujet existera dans toute configuration européenne d’ailleurs.
La « danse des 20 » devient celle du destin de l’Europe.

Français et Allemands avaient dit qu’ils le feraient, même si les réserves étaient importantes sur la capacité à tenir ces engagements. Beaucoup pensaient que les Allemands seraient au rendez-vous. Ce sera peut-être le cas, mais « les courbes » et leurs extrapolations en interrogent plus d’un. On peut penser qu’un non-respect par les Allemands en 2020 pourrait agir comme un déclencheur, un moment de vérité à partir duquel la définition d’une nouvelle étape de la politique européenne de l’énergie apparaitra nécessaire. Soyons positif, voyons ce moment comme une opportunité.

Pour travailler, notamment en franco-allemand, ce qui est essentiel à une nouvelle politique européenne en matière d’énergie, de transition énergétique, je vais tenter de dépasser le constat de Henry CONZE et vais vous présenter quelques éléments. Il faudrait, pour bien faire, travailler davantage de façon à produire quelque chose de cohérent, consistant et qui tienne la route, afin de réussir à le vendre en 2020. Je pense que le timing n’est pas ajustable à celui des européennes.

Je regarderai les deux pays les plus saillants que sont les États-Unis et la Chine.

• L’énergie reste très fortement corrélée au PIB dans nos sociétés (cf. Annexe 20)

• Énorme production d’énergie aux États-Unis (cf. Annexe 21)
Le pays, avec les pétroles et gaz de schiste, redevient extrêmement producteur.
Les États-Unis sont moins stressés sur leurs importations, sur leurs dépendances. Depuis 2008, le paradigme ancien a disparu. Il y avait alors le boom de la demande chinoise et simultanément le fait que les nouveaux « pétroles non-conventionnels » n’étaient pas encore économiquement disponibles.

La production du pétrole aux États-Unis (cf. Annexe 22).
La théorie du « peek oil » n’a donc plus de pertinence, en tous cas pour les cinquante prochaines années.
Les États-Unis ont donc augmenté leur production. La conséquence immédiate est un effondrement de leurs importations et cela entraine des conséquences majeures sur la géopolitique mondiale.
La figure Annexe 23 montre l’importance stratégique du pétrole américain. Ils avaient été un très grand producteur. Mais à partir des années soixante ils s’étaient effacés. Ils sont revenus dans le « jeu des trois grands ».

La production du gaz aux États-Unis (cf. Annexe 24).
La production domestique de gaz a fortement augmenté.
On note même qu’elle commence à « stagner » car ils sont au maximum de consommation et d’exportation. Ils « n’arrivent plus » à absorber ce qu’ils produisent. Un des facteurs limitants sont les moyens d’acheminement. De nouveaux sont en production, d’autres planifiés… La production américaine a vocation à augmenter très fortement alors, avec une cible en particulier : l’Europe et l’Asie.
Nous serons bientôt « inondés » de gaz américain. Cela promet une « lutte au couteau » entre États-Unis, Russie, Qatar…

La production du charbon aux États-Unis (cf. Annexe 25).
On dit souvent que l’élection de TRUMP a beaucoup à voir avec les états producteurs de charbon.
Mais pour plusieurs raisons la consommation américaine s’effondre. Les réserves sont importantes.
Le prix du charbon diminue. Les Américains, puisqu’ils veulent pour des raisons politiques conserver du travail pour leurs mineurs, doivent exporter. Les Allemands, les Danois en achètent des quantités très significatives.

La production du nucléaire aux États-Unis (cf. Annexe 26).
Le président W. BUSH avait tenté de relancer la filière. Mais le nucléaire stagne aux États-Unis.
Alors de l’autre côté de l’Atlantique, on observe quelque chose d’intéressant : des partis « de base » militent pour le nucléaire. Il y a ce 21 octobre 2018 une « nuclear pride » à Munich !!!
Et cela se passe en Allemagne. Aux États-Unis, certaines centrales devaient être fermées. Mais des mouvements sociaux, probablement pilotés certes mais tout de même, ont réussi à empêcher ces fermetures.
Peut-être qu’on assistera à un renversement…? Les rapports successifs du GIEC persistent et disent que pour les sujets de réchauffement il faut absolument faire plus de nucléaire, pour rester dans des coûts maitrisés notamment en ce qui concerne l’équilibrage.

La production du renouvelable aux États-Unis (cf. Annexe 27)
Elles décollent et sur de grosses quantités. Je rappelle que les États-Unis sont un grand pays hydraulique.
L’éolien est très efficace. Le solaire décolle.

La production du CO2 aux États-Unis (cf. Annexe 28).
Au-delà des clichés, du personnage de TRUMP et de tout ce qu’on peut en penser, il est notable de constater qu’un des très rare pays qui arrive à baisser ses émissions de CO2 sont justement les États-Unis. La baisse est réelle, permanente et structurante.

Je vais maintenant vous parler de la Chine.
En préambule il est fondamental de redire que les Chinois ont cette particularité qui est que, là où ils sont, ils changent la donne !!!

Les Chinois ont un objectif stratégique : être indépendants énergétiquement, autant que possible et dépendre le moins possible des importations. En cela, ils se distinguent considérablement de l’Inde et de l’Europe.

Ils sont en TRÈS FORTE croissance !
Ils sont aussi en très forte croissance de production énergétique nationale.
Leur taux de dépendance est bas, il oscille constamment entre 10 et 30%.

Parallèlement au développement de leur indépendance de production « autochtone », un autre axe stratégique est l’approvisionnement et sa sécurisation, notamment dans cette logique de nouvelles routes de la soie.

La production d’électricité en Chine (cf. Annexe 30).
On note que de 2000 à 2016, la politique énergétique chinoise est basée sur le charbon.
Ils l’ont massivement exploité chez eux, massivement acheté à travers la planète.
Mais le niveau est stabilisé désormais.

Ils font du gaz, mais reste à un niveau bas.
Ils restent volontairement et très positivement adossés à des partenaires proches dans le cadre d’alliances politiques choisies, avec la Russie, mais aussi l’Asie Centrale. Leur « pièce maîtresse » reste le Kazakhstan.
Dans le contexte géopolitique mondial, il est important de mentionner leur partenariat important avec l’Iran.

Ils font du nucléaire, mais à un niveau intermédiaire cependant.
Pourquoi ? Cela reste un mystère pour moi.

Ils ont ensuite développé l’hydraulique (barrage des trois gorges…) même s’ils arrivent aux limites de leurs capacités disponibles.

Depuis quelques années, à la surprise générale, ils ont réussi à faire que éolien et photovoltaïque participent réellement et quantitativement au mix chinois.

Face à nous, que verra-t-on en Europe ?
Nous allons être inondés de panneaux solaires pas chers, chinois mais aussi en provenance d’autres pays.
Nous allons être inondés d’éoliennes pas chères…
De façon connexe cela me rappelle les préconisations dans le programme de François FILLON pour dire que sur ces sujets renouvelables il fallait limiter strictement les emplois d’argent public à la R&D et d’arrêter les rachats de production.

La figure Annexe 31 montre la part de la Chine dans le Monde.
Le marché de l’énergie mondiale va être complètement bouleversé.
Les États-Unis sont très fortement producteurs mais ont une consommation plate.
La Russie de même.
Pour les prix et la dynamique de marché international, c’est donc la Chine qui fait le jeu.

Charbon : les Chinois ont été très prudents. Xi Jin Ping l’a dit très clairement, l’avenir de la Chine ne sera plus basé sur le charbon. Au contraire ils vont le vendre au reste de la planète.
La planète va être inondée de charbon, très disponible, pas cher…

Pétrole : les Chinois n’en n’ont pas utilisé beaucoup et n’en utiliseront pas beaucoup. La demande générale baisse fortement. À moyen terme, on peut penser que son prix soit sur une tendance à la baisse.

Gaz : c’est la grande énergie de demain. Mais là encore la Chine est très prudente.

Renouvelables : on voit que la Chine est très active.

Cette figure est très intéressante : elle montre simultanément que la Chine est très raisonnable en ce qui concerne sa prise d’énergie sur le marché international, contrairement aux idées reçues, et en même temps que la disponibilité d’énergie est là et qu’ainsi on peut penser que son coût sera sur une tendance forte à la baisse.
La figure Annexe 32 montre les carburants utilisés par les voitures chinoises.
L’essor récent de la Chine s’est fait sur le gasoil, comme partout.
On observe dès à présent une inflexion car ils ont décidé de mettre du gaz.
À partir de 2025, la construction de véhicules électriques est massive.
Ils libéreront alors énormément de la prise de pétrole sur le marché mondial.

La figure Annexe 33 montre les investissements chinois dans différents secteurs pour les 15-20 ans qui viennent.
45% des investissements pour les véhicules électriques se feront en Chine.
40% des investissements pour les systèmes de piégeage de carbone (CCS) se feront en Chine.
27% des investissements pour vent, solaire, nucléaire se feront en Chine…

Concrètement, pour nous demain, des véhicules électriques chinois seront disponibles sur nos marchés. Nous aurons beaucoup de briques technologiques pour CCS, éolien, solaire et nucléaire qui viendront de Chine… et nous « consommerons » abondamment des métaux dits « terres rares ».

Le temps manque. Aussi, je n’ai pas eu le temps de parler des filières « nouvelles ». Elles seront utiles pour renforcer l’efficacité et la résilience du secteur énergétique et au-delà de la société. Elles ont elles-mêmes leurs problématiques complexes ainsi que leurs géopolitiques. Je pense bien entendu à l’hydrogène, mais il y a aussi les sujets du méthanol et de l’éthanol ainsi que de l’ammoniac carburant et les carburants de synthèses.

Il y a aussi, la rupture apporté par l’intelligence artificielle, le big data, l’internet des objectifs, les plateformes, la servicisation. Ce sont les outils clé permettant de développer une stratégie d’efficacité énergétique qui peut prendre une ampleur considérable. Cela devient un point clé de souveraineté et d’indépendante énergétique. certains appellent cela le NegaWatt, le trésor apporté par la non consommation pour un service malgré tout atteint. Je préfère pour ma part dire, la mobilisations de la deuxième loi de la thermodynamique pour renforcer, la résilience, la souveraineté et l’indépendance énergétique.

Il faudra bien alors que nous ayons une politique énergétique forte, française, européenne.
Il faut revoir nos analyses et autant que possible en franco-allemand.
Il faut être sérieux, arrêter le soutien absurde (25Mrds sur l’off-shore) et devenir compétitifs
Il faut un objectif d’accroissement de l’indépendance énergétique nationale, réaliste (+10pts en 20 ans).
Il faut un objectif européen.
Il faut un objectif commun avec les libéraux.

• Le panorama mondial change et VA CHANGER.
• Nos hypothèses stratégiques des années 90-2000 sont devenues OBSOLÈTES.
• On observe partout des signes forts qui indiquent que l’on en revient à un monde de NATIONS. (Brésil, États-Unis, Russie, Chine, Inde…)

Nos objectifs techniques se concentrent ainsi sur :

ENVIRONNEMENT – COMPÉTITIVITÉ – INDÉPENDANCE

(*) Càd réduction de notre dépendance