Note de lecture sur La France va s'en sortir
écrit par Dominique Seux, journaliste aux Échos et éditorialiste économique à France Inter.
POLITIQUE
Par Jean-Pierre Gérard, le 17 juillet 2017.
7/7/20245 min read
J’aimerais bien partager l’optimisme de Monsieur SEUX, ainsi que sa modération face à des responsables politiques et économiques peu soucieux de l’avenir de notre pays. La lecture de son livre est agréable, et est également l’œuvre d’un modéré comme il l’avoue lui-même. Sur ce point je diverge fondamentalement, car à force de vouloir être modéré, raisonnable, pondéré, etc. on laisse toute liberté au pouvoir en place de faire ce qu’ils veulent, fût-ce au détriment de la France.
Essayer d’être raisonnable, c’est accepter toutes les entorses à la démocratie comme Jacques Attali l’avoue lui-même, c’est croire ou faire croire qu’il suffit de quelques remèdes pour que la situation s’améliore. En ce qui me concerne, au fil du temps, j’ai de moins en moins tendance à être raisonnable et modéré. Mais il faut reconnaître pour m’absoudre légèrement, que les vols successifs des élections d’abord par Chirac, puis par Sarkozy, puis enfin par Hollande ont tout lieu d’exaspérer les gens plutôt calmes comme moi. Qui plus est, on est accusé d’excès alors même que les responsables politiques ne respectent aucune des élections sur la nature de l’Europe faites depuis presque 15 ans.
C’est pour dire que je ne crois pas beaucoup aux remèdes préconisés par Monsieur SEUX.
Pourtant son livre présente de nombreux points d’intérêt sur lesquels je voudrais m’arrêter :
1. Tout d’abord il attire l’attention sur une révolution qui provient de l’amélioration de la situation des pays en voie de développement. Il donne le chiffre de 2 milliards ( ?) d’hommes qui sont sortis de l’extrême pauvreté grâce à la mondialisation «heureuse». Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? Les réponses sont diverses. Personnellement, si je pense qu’elle améliore la situation pour certains qui sortaient de la pauvreté, si je pense également qu’elle améliore la santé et l’espérance de vie des populations défavorisées, elle a incontestablement augmenté par un effet démographique assez compréhensible la pauvreté d’un très grand nombre qui désormais ne sont plus seulement cantonnés dans les pays du Sud, mais qu’on retrouve également dans les pays du Nord, qui ont pourtant construit leur prospérité sur leur travail, et leur épargne. La mondialisation a évité pour les pays du Sud, cette période d’accumulation de richesses au cours des siècles, accumulation souvent douloureuse..
2. En deuxième lieu, il attire l’attention sur le fait que la mondialisation a un coût. Comme toujours, cette transformation, par définition peu importante. Et au début elle ne présente que des avantages. On a donc vu uniquement des avantages. Pourtant il était évident qu’avec un réservoir d’hommes disponibles, intelligents et formés, les ouvriers avaient quelques soucis à se faire. En 2000, organisant une série de colloques dans le cadre du centre de perfectionnement aux affaires, nous avons parlé bien évidemment de la mondialisation. Elle apparaissait alors non seulement inéluctable, mais également très souhaitable. Je ne suis pas sûr qu’aujourd’hui on porterait un regard de même nature.
3. La partie à laquelle j’ai apporté le plus d’attention concerne la désindustrialisation. Il cite cinq freins, la compréhension de la micro-économie, le chômage, le temps de travail, des coûts trop élevés pour les produits que nous vendons, le niveau des prélèvements obligatoires. Il n’y a cependant aucune analyse pour savoir pourquoi ces freins restent-ils des freins permanents. Je suis d’accord avec cette analyse mais je reste persuadé que ces freins ont encore un bel avenir devant eux. La cohérence des politiques économiques n’est pas toujours au rendez-vous. Lorsque l’on fait des réductions de charges, pour favoriser les moins bien lotis, elles portent sur les salaires au SMIC, 1,2 SMIC etc. au maximum 2 SMIC. Ce faisant, on oriente l’activité économique vers l’emploi des personnes les moins performantes. Comment voulez-vous dès lors faire des produits « hauts de gamme », avec le personnel le moins bien qualifié. La recherche de la réduction des inégalités nous conduit au contresens.
J’avais fait une étude au sein du conseil de politique monétaire sur la structure comparée des industries françaises et allemandes. J’avais démontré que la France avait une structure plus proche de celle des États-Unis que de celle de l’Allemagne. La conséquence immédiate amenait à constater qu’une sous-évaluation du dollar pénalisait beaucoup plus la France que l’Allemagne. Une modification des parités favorise ou défavorise la France, alors que l’Allemagne y reste assez insensible, même si contrairement aux idées couramment admises l’industrie allemande a beaucoup régressé ces dernières années.
4. Je ne partage pas du tout la réflexion sur le chômage. De fait, je n’hésite pas à dire que la France est en plein emploi avec 3 millions de chômeurs. Cela peut sembler paradoxal, mais tout accroissement de l’activité qui normalement devrait se traduire par une diminution significative du chômage n’aboutit qu’à l’augmentation du déficit du commerce extérieur. La seule interprétation en est que l’emploi en France des chômeurs se révèle impossible. Cela explique d’ailleurs pourquoi le taux de croissance non inflationniste en France est depuis de nombreuses années, faible.
5. L’auteur reconnaît que le cumul des contraintes engendrées par l’euro, les 35 heures, l’offre de produits etc. constitue des freins importants. Il souhaite très clairement le succès de l’euro, même s’il avoue ne pas être certain de sa survie.
Ce livre vient à point pour se reposer des questions fondamentales. Qu’on soit en accord ou en désaccord, n’a finalement que peu d’importance. Mais malgré son plaidoyer pour la micro-économie, je pense que l’auteur sous-estime le rôle de la rentabilité (la vraie et non celle rapportée au chiffre d’affaires) dans les rouages et le fonctionnement du financement de l’entreprise. En particulier, il ne parle jamais de la rentabilité économique des entreprises. C’est-à-dire le rapport entre l’excédent brut d’exploitation et la masse des capitaux investis nécessaires à cette exploitation. Or cette rentabilité est extraordinairement faible en France par rapport à ce qu’elle est en Allemagne, et aux États-Unis. Or si nous parlions de cette rentabilité un peu plus souvent, il apparaîtrait très clairement que les dividendes versés par les grandes entreprises représentent au plus 1 % des capitaux investis, on ne peut pas dire que cela représente un enrichissement formidable d’autant plus que ce 1 % suffit à peine dans la plupart des cas à payer les impôts qu’ils ont générés.
Au total un livre plaisant qui se veut aussi un plaidoyer pour l’Europe telle qu’elle se construit aujourd’hui. Faut-il rappeler qu’il y aurait beaucoup d’autres possibilités pour que l’Europe atteigne les buts que l’auteur lui fixe. Un seul le rapproche de ma propre conception, à savoir une Europe des projets. Au fond plutôt que de dire que l’Europe est une fin en elle-même, il faut affirmer que l’Europe est un moyen pour rapprocher les peuples du vieux continent.
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