On n'assure pas le redressement financier d'un pays sans s'occuper de son compte d'exploitation

Par Jean-Pierre Gérard et Monsieur Spethmann, le 4 avril 2013.

ECONOMIE

5/8/20248 min read

Après les exposés de Gérard Lafay, et de notre ami Werrebrouk, nous avons la certitude que le retour à des monnaies nationales, constitue la seule voie réaliste de redressement des économies européennes. Cette condition est nécessaire, mais est elle seulement suffisante. Je voudrais en parfaite symbiose avec Mrs Robatel, Spaethman , et les industriels qui nous accompagnent, montrer combien la voie du retour à la croissance pour la zone Euro sera difficile.

La crise de 2008-2009 a laissé des traces durables.

Cette crise n’est pas celle de la zone €. Cette crise résulte des politiques monétaires extraordinairement laxistes de la période Greenspan, et de ce que l’on a appelé l’innovations bancaires. (en fait comme le disait Volcker la seule innovation bancaire a été le Distributeur automatique des billets)

Diapo 1

Comme le dit Galbraith, toutes les innovations financières sont des créations de dettes sous un autre nom. Sur le graphique ci-dessus qui commence à dater puisqu’il date de 2008 ou 2009, vous avez la raison fondamentale de la crise bancaire et ceci avant même les politiques de QE de la Federal reserve de Bernanke et la Banque Centrale Européenne avec Jean Claude Trichet.

On voit parfaitement que l’endettement global mondial est significativement supérieur à la richesse mondiale et même significativement supérieur à ce dont on a besoin pour assurer la liquidité des transactions. Il ne pouvait donc y avoir que matière à déséquilibres monétaires violents provoqués par des mouvements de fonds, entre banques, sans lien avec la réalité.

La crise bancaire de solvabilité s’est donc traduite par une crise économique parfaitement visible sur les graphiques suivants, crise de confiance, crise de disponibilité pour les entreprises du domaine réel, méfiance entre acteurs financiers.

Tout naturellement ceci s’est traduit par une baisse dramatique de l’activité économique, avec tous les indicateurs en baisse de manière plus ou moins importante.

Graphiques de la note Natixis numéro 189

Diapos 2,3, 4 ,5,6,7

La question qui est sous-jacente est de savoir comment l’économie pourra repartir. Effectivement tout au moins en France, les autorités politiques pensent que l’activité économique pourrait repartir à partir de 2014, et d’ailleurs les prévisions prises pour la croissance de 2014 en vue de la confection du budget 2014, et de 1,2 %.

Nous allons voir que cette hypothèse est peu vraisemblable car il est erroné de croire que des éléments externes pourraient faire repartir la croissance. Nous pouvons classer les chocs destinés à faire repartir la croissance :

  1. une très forte dépréciation de l’euro.

  2. Une action en vue de baisser les taux d’intérêt.

  3. Une baisse du prix des matières premières et du pétrole.

  4. Un transfert de l’épargne des ménages vers la consommation.

Nous pensons personnellement que seule la dépréciation de l’euro, engendrée par le retour aux monnaies nationales est de nature à créer les conditions de la croissance. Encore faut-il que pour ce faire nous accompagnions cette politique de dépréciation de politique de libération des énergies productives dans les différents pays de la zone euro.

Dans les différents plans, relatif à la Grèce, à Chypre, au Portugal etc. à chaque fois l’accent était porté sur la réduction de l’endettement. Les plans de la troïka ne sont que des plans financiers, qui ne poursuivent qu’un seul but, de limiter les pertes des différents créanciers. Ils portent donc tous uniquement sur des réductions de dette, des remises d’intérêt, l’organisation de la déflation, par réduction des salaires, et diminution de l’activité.

Avant même de mettre en œuvre cette politique nous pouvons affirmer qu’il s’agit d’une erreur d’appréciation gravissime. Le seul moyen de permettre à pays de se désendetter, c’est d’abord de lui permettre d’assurer la reprise de son activité. Or aucun des plans ne vise à remplacer les différents pays dans des conditions de reprise de leur activité. C’est ce que M. Spaethman, appelle s’occuper du compte courant, en termes d’entreprise s’occuper du compte d’exploitation pour rétablir la rentabilité de l’entreprise. (On ne voit pas au nom de quoi, il suffirait de baisser la dette, pour que le pays se porte mieux brutalement. Certes la charge de la dette deviendrait moins importante, mais tant que l’exploitation n’est pas capable d’assurer un excédent des recettes sur les dépenses, il n’y a aucune chance que le désendettement temporaire lié aux abandons de créances permette de retrouver une situation saine).

Comme tous les pays à l’exception de l’Allemagne, sont en déficit extérieur, et ont une croissance anémiée en raison de leurs sous compétitivité, il n’y a que deux possibilités :

  1. soit l’Allemagne au travers d’une gouvernance fédéralisée de l’Europe assure l’équilibre des finances de la zone euro.

  2. Soit tous les pays de la zone euro s’organisent pour être pratiquement à l’équilibre à la fois sur le plan budgétaire et sur le plan de la balance des paiements.

La solution 1 suppose une organisation politique centralisée que l’ensemble des pays ne souhaitent pas pour l’instant. Il n’y a donc que la deuxième solution qui consiste à avoir rééquilibrage des parités, et donc la sortie de l’euro en tant que monnaie unique.

Cette sortie de la zone euro, et le retour aux monnaies nationales a fait l’objet de toutes nos analyses et je n’y reviendrai pas. Mais cette dévaluation de facto suppose une mise en place de la politique nécessaire pour la reprise de l’activité. Cette reprise se heurtera à un certaines difficultés :

  • obtenir un effet de dépréciation suffisant, alors que tous les pays, États-Unis Japon, cherchent au travers d’une sous-évaluation de leur monnaie à accélérer leur reprise économique.

  • La croissance potentielle des différents pays, a été bridé par un ensemble de réglementations, de normalisation, d’intervention étatique dans tous les pays de la zone euro. Aujourd’hui, les experts pensent que la croissance potentielle en France, serait de 0,2% avec un maximum éventuel de 0,5 %. Nous sommes bien éloignés de la prévision faite par le gouvernement français.

  • Aucun des chocs économiques que l’on pourrait lister ne serait à même d’apporter une croissance d’au minimum 2 %, qui semble la limite basse pour arrêter la dégradation des comptes publics et de la balance des paiements.

Au-delà donc de ce que nous proposons, il est essentiel de libérer les énergies du système productif. Cette affirmation serait sans doute un acte politique majeur, et c’est par son affirmation que l’on devrait commencer et dans tous les pays dont le déficit budgétaire ne fait que croître.

Il convient donc de supprimer ce qui est le plus stérilisateur de l’activité humaine, à savoir l’assistanat généralisé que nos pays européens ont systématiquement mis en place et tout particulièrement en Grèce, mais aussi en France, en Italie, au Portugal. Toutes ces politiques d’assistanat ont d’ailleurs été généreusement accompagnées par une commission de Bruxelles, soucieuse de conserver la structure du libre-échange mondial.

Il convient également de se donner un maximum de temps. Comment serait-il possible en 3 ans de récupérer tout ce qui a été perdu au cours d’une lente dégradation de la situation économique, sur une période presque 15 ans. Le déséquilibre des politiques monétaires entre les différents pays a entraîné des surchauffes inappropriées pour certains pays, en même temps que des politiques restrictives inutilement pour d’autres.

Et enfin pour que cette politique ait quelque chances, permettre l’établissement temporaire d’un certain protectionnisme pour favoriser l’émergence de nouvelles activités et d’assurer le renouvellement du tissu des entreprises pendant une période de 3 à 5 ans, et retour de nouveau par palier sur une période de 5 ans, au libre échange avec les autres pays d’Europe.

j’appelle l’attention de mes collègues, sur le seul fait que les solutions envisagées, sont toutes des solutions macro-économiques et financières. Certes, une forte dépréciation de l’€ aura un effet de relance la croissance dans la zone €, mais les éléments constitutifs de cette dépréciation auraient peu de chances de se réaliser.

Il faudra donc insister sur des éléments micro-économiques sans lesquelles la reprise ne pourra pas avoir lieu. Cela se traduira par deux éléments de politiques économiques majeurs :

  1. définir une stratégie de l’offre et non de la demande, comme cela a été fait depuis le début de la crise. Ce qui revient à dire que cette offre devra prendre le relais des importations et exportations avec le reste du monde. En d’autres termes, retrouver la signification initiale de la construction européenne avec un tarif extérieur commun.

  2. en outre, compte tenu des problèmes structurels de nombre de pays, il ne faut pas compter sur un redémarrage de la zone euro, qui soit tirée par les exportations. Les différents pays devront retrouver leur compétitivité, en particulier avec l’Allemagne. Et je pense que l’Allemagne devrait accepter d’avoir des échanges avec l’Europe plus équilibrés.

  3. Enfin, nous devrions procéder à une analyse plus fouillée des conséquences de nos décisions. Ainsi, il n’est pas impossible que les structures économiques de nos différents pays se soient un peu fossilisées. Nos entreprises ne se sont-elles pas spécialisées dans des activités où la demande serait assez significativement inélastique. (De fait aller vers le haut de gamme, engendre des structures productives assez peu dépendantes du prix des productions. L’ouverture totale des frontières économiques rendant quasi impossible la compétition avec des pays émergents, comme la Chine le Brésil, l’Inde etc.) Même s’il n’est pas souhaitable de revenir un protectionnisme généralisé, il est indispensable de penser « marché unique » et le « marché unique européen ».

  4. J’ai commencé cet exposé en parlant des traces durables laissées par la crise de 2008 2009. Cette crise s’est traduite par des pertes considérables des entreprises. Au-delà des mesures rappelées ci-dessus, nécessaires au bon fonctionnement des échanges européens, j’insiste tout particulièrement sur la reconstruction déséquilibre financiers des entreprises. Je voudrais vous donner à titre d’exemple la situation de certaines des entreprises du club des numéros un que je préside. On peut estimer que le coût en trésorerie de la baisse des activités en 2008 2009 (de l’ordre de 25 à 30 %) a été de l’ordre de 20 % du chiffre d’affaires. Les entreprises insuffisamment prévoyantes, se sont trouvés en difficulté et ont disparu. La reprise après ce trou d’air, a été très consommatrice de cash, et on assiste aujourd’hui à une deuxième vague de disparitions (faillite rachat etc.)
    il est évident que dans un pays comme la France où le coût de la réduction d’activité est sans commune mesure avec ce qui se passe ailleurs, a entraîné notre industrie dans des difficultés considérables. À un moindre degré, l’ultra protection qui a été instaurée dans les différents pays d’Europe, a engendré des problèmes similaires. Aucun des gouvernements, n’a osé toucher à cette protection, et aucun pays n’a envisagé de réduire un tant soit peu cette ultra protection. (La France a tenté un exercice dit de flexi-sécurité, qui n’est utilisable que par les grandes entreprises).

Aujourd’hui l’ensemble de l’Europe a fabriqué une gigantesque pyramide de Ponzi. Il est essentiel de revenir à une situation saine. Est-ce encore possible ? Même si le risque est grand de ne pouvoir arrêter la dégradation de la situation économique, nous devons tenter tout ce qui est possible pour y parvenir.

Diapo 8

Je vais vous présenter un dernier graphique, qui montre l’endettement de la France depuis plus de 100 ans. Il apparaît que l’endettement de la France a toujours été relativement faible, mais que chaque fois que cet endettement a été supérieur à 80 %, il n’a été résolu que par l’inflation, accompagnant souvent des événements politiques graves.

Ainsi donc la situation est difficile, mais à ne pas la regarder en face, nous n’avons aucune chance de nous en tirer. Je sais que nous tous ici, nous sommes favorables à ces actions concertées, mais encore faut-il que nous soyons réellement entendus.