Réflexion sur la transition énergétique
le 3 janvier 2022
ENERGIE
Par Henri Conze,
7/7/202415 min read
L’énergie est avec l’économie digitale un des deux grands défis de l’Europe et de la France dans les prochaines décennies. Malheureusement, toutes les orientations, tous les programmes, en matière de transition énergétique ont été jusqu’à présent décidés pour des raisons essentiellement écologiques et environnementales, voire sous la pression de groupes, ou de mouvements plus ou moins idéologiques et généralement hostiles par principe à l’énergie nucléaire. On a ignoré, ou voulu ignorer, les conséquences économiques des décisions, ainsi que les impossibilités physiques, industrielles ou financières auxquelles elles se heurtent ou vont se heurter. Des orientations, ont été prises, votées, annoncées que ce soit en France ou dans l’Union Européenne, sans être forcément cohérentes ou appliquées, par exemple en raison des retours sur expérience malheureux constatés récemment en Allemagne sur les énergies renouvelables. Par ailleurs, les discours entre les différents décideurs souvent se contredisent et les récentes annonces du Président français sur le nucléaire semblent remettre en question des orientations ou des décisions qui paraissaient acquises. Enfin, la question de la transition énergétique semble (il était temps !) s’imposer dans la campagne électorale qui vient de s’ouvrir en France, par le biais de son volet le plus sensible politiquement, le nucléaire. Or, parmi les candidats, ceux qui soutiennent la reprise d’un effort dans ce domaine totalisent aujourd’hui dans les sondages les trois quarts des intentions de vote. En réalité, une seule chose est claire : il est de plus en plus difficile de comprendre où nous en sommes dans le processus de transition !
Les orientations qui avaient été prises précédemment pourraient donc être éventuellement remises en question, à partir de la mi-2022. Parmi elles, j’en retiendrai trois :
– Le « tout électrique » à partir de 2035 en matière de mobilité avec l’arrêt de la production des véhicules à moteur thermique décidé par Bruxelles et entériné par Paris. Dans cette perspective, l’effort considérable réalisé en faveur des énergies renouvelables, en particulier l’éolien et le solaire, devra être amplifié.
– La priorité donnée en recherche et développement par la France, mais aussi par l’Allemagne et d’autres pays de l’UE, à l’hydrogène dit « vert » comme réponse au problème du stockage de l’électricité produite par les énergies intermittentes ou à celui de la mobilité future des véhicules, en compétition avec les batteries.
– La place du nucléaire dans le « mix » électrique futur. La loi PACTE prévoit qu’elle ne saurait être supérieure à 50 %, limite que s’est imposé le récent rapport de la RTE ; mais des voix, essentiellement chez les écologistes, voire au ministère de l’écologie malheureusement juge et partie car responsable aussi des transports et de l’énergie, prêchent pour l’abolition totale du nucléaire alors que le Président de la République en suggère la reprise sans cependant y avoir fait allusion lors de ses récents vœux !
Le « tout électrique »
L’abandon à terme des énergies fossiles conduit inéluctablement au « tout électrique » et, par conséquent, à un accroissement à terme très substantiel des besoins en électricité, les incertitudes portant sur leur niveau futur et les moyens de production. Dans la plus grande précipitation étant donné la priorité donnée à la lutte contre le réchauffement climatique, le monde occidental, en premier lieu l’Europe, s’est lancé à corps perdu dans le développement des énergies renouvelables. Mais, ce faisant, il a pris, sans s’en rendre compte, de gros risques sociaux, techniques et économiques.
La fin programmée du moteur à explosion va mettre au chômage en Europe plusieurs centaines de milliers, voire des millions, de salariés. Nous avons constaté le début de ce phénomène avec la chute drastique de la production de véhicules diésel ou les restructurations entreprises par les constructeurs d’automobiles pour préparer en urgence le grand tournant de 2035 et faire face aujourd’hui à la chute des commandes de clients désorientés par le flou sur la nature des véhicules qui auront, demain, le droit de cité, c’est-à-dire celui de pénétrer dans Paris et les grandes villes ! Leurs sous-traitants sont les plus vulnérables et seront donc les plus touchés, ils le sont déjà. Etant souvent implantés dans de moyennes agglomérations, leurs difficultés vont accélérer la désertification de certaines régions. Les grands gagnants de ce drame sont les Asiatiques qui peuvent s’appuyer sur un marché intérieur en pleine croissance et qui ont les yeux moins fixés que ceux de l’homme blanc sur le thermomètre climatique ! Ce sont aussi les Américains dont la flexibilité entrepreneuriale a permis à Egon Musk, suivi par d’autres, de créer ex-nihilo une industrie dédiée aux voitures électriques et aux batteries. Les graves difficultés de l’industrie automobile, propres à l’Europe et à la France, étaient elles inéluctables ? Probablement. Mais la grande erreur, voire le scandale, a été de ne pas les avoir prévues et d’avoir pris des orientations, des décisions, par idéologie, voire par naïveté ou incompétence, sans en avoir pesé les conséquences et pris les mesures pour en atténuer les effets : fallait-il, par exemple, être grand visionnaire pour voir que les mesures prises sur le diesel allaient se traduire par la fermeture de l’usine Bosch de Rodez qui lui était dédiée ?
Au plan technique, le développement des voitures électriques dépend de celui des batteries. La Chine et les Etats-Unis en contrôlent l’essentiel de la production et bénéficient donc d’une grande partie de la valeur ajoutée. La naïve Europe, pionnière dans la promotion politique du « tout électrique », s’est lancée bien tard dans sa promotion industrielle ; on peut se demander si elle sera capable de jouer demain un rôle significatif, sauf à participer à la découverte et au développement d’une éventuelle nouvelle génération de batteries d’un ordre de grandeur plus performante que l’actuelle. Ceci parait encore aujourd’hui très aléatoire, hélas car les batteries actuelles ont plusieurs gros inconvénients ! Citons en quatre : la masse, le rechargement, les constituants et l’intérêt environnemental.
Leur masse est telle qu’une voiture électrique, à autonomie raisonnable donnée, sert d’abord à transporter ses batteries et les renforts de structure correspondants. Leur rechargement est un défi, car les ordres de grandeur des investissements à réaliser laissent rêveurs : les dix ou quinze jours de l’année des départs en vacances et des retours, le « plein » de deux millions de voitures électriques demanderait une puissance équivalente à celle d’une douzaine de réacteurs ! Les stations service de l’autoroute du soleil entre Dijon et Valence devraient avoir accès à une puissance électrique équivalente à celle d’un tiers de réacteur, entrainant peut-être l’usage de supraconducteurs pour enterrer les lignes électriques correspondantes ! Par ailleurs, la quantité de métaux nobles contenue dans les batteries, si toutes les voitures produites aujourd’hui dans la monde étaient électriques, est considérable : il faudrait mettre en œuvre la totalité de la production mondiale de nickel et multiplier par trois celle de cobalt ! Ces chiffres, dont on ne parle que trop peu, expliquent beaucoup de choses, en particulier le récent grand intérêt de la Chine pour la Nouvelle Calédonie et ses mines : Paris en est-il bien conscient ? Quant à l’objectif et raison d’être du véhicule électrique, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, est-il réaliste ? Estimer leur émission de CO² depuis l’extraction des minerais mis en œuvre jusqu’à leur retrait de la circulation n’est pas simple ! Les résultats des études réalisées sont souvent peu convaincants, en particulier parce qu’ils dépendent du mix électrique des pays concernés. Le point neutre (égalité d’émission de CO² pour un véhicule électrique et un thermique en fonction du kilométrage parcouru) serait de 50.000 km avec une électricité 100% verte et de plus de 100.000 km avec une électricité très carbonée comme celle de la Chine ou de l’Allemagne. Posons-nous donc une question très hérétique, bannie par la pensée unique : le jeu, étant donné son énorme coût et ses résultats fort mitigés, en vaut-il vraiment la chandelle ? Tous ces constats, ces défis, ces contraintes, ne sont peut-être pas rédhibitoires, mais pourquoi ne sont ils jamais évoqués ?
Concernant la politique économique, les efforts entrepris jusqu’à présent, les choix faits sur les types de véhicules électriques en développement, les investissements réalisés, etc., ne devraient avoir de sens que si nous étions surs qu’ils sont pérennes. Qu’une autre solution à moment donné apparaisse, économiquement plus performante, tout sera à refaire. Qui peut aujourd’hui raisonnablement affirmer que la batterie sera encore dans dix, vingt ou trente ans la meilleure solution dans la lutte contre le réchauffement climatique et non, par exemple, la pile à hydrogène ? De même, qui peut affirmer le contraire ? Des sommes importantes sont consacrées aux recherches sur ces piles, des résultats prometteurs sont obtenus, mais rien n’est encore assuré. Par contre, il est certain qu’à objectif climatique donné, ce sont les solutions économiquement les meilleures qui finiront tôt ou tard par être adoptées. La France et l’Europe feraient bien de ne pas se lancer dans des investissements irréversibles sans s’être assurées d’avoir choisi la bonne voie. Batterie ou pile à hydrogène ? Rien n’est tranché et il faudra probablement plus d’une décennie pour avoir un début de bonne réponse.
L’hydrogène est à la mode
Plusieurs raisons ont conduit nombre de pays à entreprendre de gros efforts dans les domaines de l’utilisation de l’hydrogène et de sa production. D’une part, en l’absence d’une percée scientifique majeure, le stockage de l’électricité produite par les sources intermittentes est économiquement difficilement envisageable avec les technologies aujourd’hui éprouvées : stocker un pour cent de la consommation annuelle d’électricité en France demanderait mille milliards d’euros d’investissements ! Beaucoup pensent que la bonne solution passe par la production d’hydrogène vert par électrolyse et sa réutilisation dans les piles à combustible. D’autre part, les avantages théoriques de la pile à combustible par rapport aux batteries sont flagrants avec des masses et des temps de recharge proches de ceux des voitures thermiques. Ceci explique l’engouement pour l’hydrogène de la Commission de Bruxelles et de gouvernements, dont le notre, et les milliards qui vont lui être consacrés. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres et avant de se lancer à grande échelle dans une aventure industrielle, il conviendrait de prendre conscience qu’un immense effort de R&D est à entreprendre et qu’il faudrait se donner au moins une ou deux décennies avant de prendre des orientations à peu prés fondées. Le monde politique peut-il accepter un tel délai ? Là est la vraie question car beaucoup d’incertitudes subsistent aujourd’hui aux plans technique, industriel et économique et vont demander des années pour être levées à moins de risquer des catastrophes.
L’utilisation de l’hydrogène se heurte en effet à des difficultés physiques et techniques. D’une part, son mélange avec l’air dés que sa présence dépasse 5% est particulièrement détonnant, ce qui soulève de sérieux problèmes de sécurité. L’incendie du Graff Zeppelin en 1937 à Lake Hurst est encore dans nos gènes, à juste titre d’ailleurs. En cas d’usage intensif, cette spécificité conduira à des mesures contraignantes concernant les dispositifs de mise en œuvre, la communication à destination de l’opinion étant essentielle car on peut se demander si ce que l’on a connu avec le nucléaire ne se répèterait pas avec l’hydrogène ! Par ailleurs, à l’état naturel sous forme de gaz, l’hydrogène occupe un trop grand volume (90 grammes par m3) pour être mis en œuvre tel quel. Il faut le liquéfier à des températures extrêmement basses (-253°) ou le comprimer et le stocker à plusieurs centaines de bars (600 bars ?). Ces voies sont fort consommatrices d’énergie et demanderaient pour le transport ou la distribution en « stations service » de très importants investissements. Enfin, l’hydrogène au contact de certains matériaux, dont les métaux, a tendance avec le temps à former des hydrures qui eux-mêmes développent des fissures conduisant à une extrême fragilisation des enceintes. Ce problème est bien connu, a trouvé des solutions au cas par cas, mais qu’en sera-t-il quand des centaines de millions, voire des milliards, de réservoirs seront en service au lieu de quelques milliers aujourd’hui ? La réponse à cette question demandera du temps !
Sur le plan industriel, comment produire l’hydrogène à très grande échelle ? Deux voies, au moins, peuvent être envisagées. L’une part du principe qu’au dessus de 1300 ° la molécule d’eau se décompose en oxygène et hydrogène que l’on sépare sans difficulté. Pour mettre en œuvre ce concept dans des conditions économiques raisonnables, il faudrait probablement avoir recours à des réacteurs nucléaires, si tant est qu’il existe une filière correspondant à cet usage extrême. Ceci, à ma connaissance, n’a jamais été exploré, mais mériterait de l’être. L’autre, la seule qui soit aujourd’hui considérée, est l’électrolyse de l’eau à partir de l’électricité produite par les énergies renouvelables, mais intermittentes. Cette étape amont de la production ne pose pas véritablement de problèmes techniques et de gros progrès sont réalisés pour en améliorer les rendements. Par contre, ceux de toute la chaine « production – transport – distribution – pile à combustible » sont faibles (25 % ?). Par ailleurs, cette voie soulève la question de son acceptabilité par l’opinion. En effet, l’utilisation très intensive de l’hydrogène, que ce soit pour le stockage de l’électricité ou pour la mobilité, conduirait à l’implantation de dizaines, voire de centaines de milliers d’éoliennes sur notre territoire, ou de milliers de km² de panneaux solaires.
Il est clair que le choix de l’usage prépondérant de l’hydrogène marquerait une véritable révolution, son économie prenant la place de celle du pétrole dont la logistique, à partir de la première guerre mondiale, a mis des décennies à se mettre en place (raffineries, oléoducs, stations service, garages). Que sera celle de l’hydrogène ? Nul ne le sait vraiment faute de réponses à des questions de fond : Comment sera produit l’hydrogène ? Où sera-t-il produit ? De façon très centralisée (cas d’éventuels réacteurs) ? Très décentralisée (à l’échelle d’un parc d’éoliennes par exemple) ? A l’échelle du département ? De la région ? Comment transporter l’hydrogène produit ? Liquide ? Gaz sous très haute pression ? Gazoduc sous pression moyenne ? Quel optimum choisir pour les investissements entre la production, l’exploitation, le transport, la distribution ? Il faudra des années pour définir puis développer la solution optimale !
Un renouveau du nucléaire ?
La prise de conscience que la lutte contre le réchauffement climatique par réduction des émissions de gaz à effet de serre passe aussi par l’énergie nucléaire, commence à être partagée par des décideurs, une partie grandissante des opinions publiques et les quatre candidats en tête des sondages pour la présidence de la République. Chacun se livre ou va se livrer à une course à l’échalote sur le nombre de réacteurs EPR à construire ou sur les nouveaux programmes à lancer. Mais, étant donné toutes les difficultés et les turbulences qu’a connues et que connait notre industrie nucléaire depuis deux décennies, il importe de sortir du rêve et du discours et de ne tenir compte que des réalités.
Le Président de la République a annoncé une reprise de notre effort nucléaire portant, en principe, sur un projet de construction de deux nouveaux EPR et un appel à projet sur le concept de petits réacteurs modulaires (SMR). Cette annonce a le grand mérite de redonner espoir à la communauté nucléaire et de susciter, avec les SMR, un moteur puissant de R&D. On assiste ainsi depuis quelques semaines à la résurrection de concepts tombés en sommeil comme celui des réacteurs à sels fondus ou des cœurs sous-critiques activés par flux de neutrons. Ils permettraient, en principe, de s’affranchir des problèmes de sécurité, de considérablement réduire la production de déchets à durée de vie longue et d’utiliser nos immenses stocks de Thorium et d’U238. Par ailleurs, la mise en œuvre de méthodes de conception et de fabrication découlant, par exemple, de celles en usage en aéronautique pourrait conduire à une réduction très importante du coût des futurs réacteurs. Par contre, on peut s’interroger, tant que nous n’avons pas de retour sur expérience, sur l’avenir des EPR étant donné le montant des investissements qu’il a fallu réaliser pour les deux premiers (Finlande, Flamanville) et le prix estimé de leur électricité. Par ailleurs, notons que l’intérêt des petits réacteurs se limite à des besoins assez spécifiques, comme l’alimentation en électricité d’îles (Corse, Guadeloupe, Martinique, etc.) ou de zones géographiques particulières (Guyane). Le Russe Rozatom a bien un tel projet en cours, mais il est destiné aux besoins des régions proches de l’Arctique.
Il faut donc être conscient que ce n’est pas avant une ou deux décennie que nous serons capables de bâtir un nouveau grand programme nucléaire cohérent, ambitieux et adapté à toutes les contraintes environnementales et économiques de demain. Par ailleurs, la remise au bon niveau de l’ensemble de notre industrie électronucléaire, délaissée depuis deux décennies et ayant perdu son aura auprès des jeunes sortant des écoles, va prendre un temps certain. Heureusement, nous avons, si nous le voulons bien, la possibilité d’attendre le temps qu’il faudra avec le parc nucléaire existant. Le constat fait ces dernières semaines sur le prix de l’énergie, dont l’électricité, et les risques annoncés de délestage, voire de black-out, a mis en évidence les indisponibilités grandissantes de nos réacteurs. Alors qu’il y a trente ans leur disponibilité était de 88 – 90 %, taux atteint aujourd’hui par les centrales nucléaires américaines, elle n’était plus que de 75 % avant la pandémie, 70 % aujourd’hui. Retrouver les valeurs d’il y a trente ans équivaudrait à ajouter une douzaine de réacteurs au parc actuel et assurerait nos besoins en électricité pour trente ans !
Quelles sont les raisons de la dérive de la productivité de notre parc ? La priorité donnée à l’accès des énergies intermittentes au réseau en est une. Elle a conduit EDF à réduire la production de chaque centrale nucléaire ; les réacteurs ont en effet des temps de réaction à des demandes de réduction ou d’accroissement de puissance beaucoup trop longs pour faire face aux fluctuations de ces énergies, d’où l’utilisation grandissante des centrales au gaz … et le prix de l’électricité actuellement ! Ceci explique aussi, dans une certaine mesure, les difficultés rencontrées dans le domaine de la maintenance des réacteurs. Alors que tenir un objectif de 90% de disponibilité exige un effort prioritaire, des équipes motivées et compétentes, cela est, par expérience, moins prioritaire quand on a des objectifs apparemment plus faciles, moins de 85-80 %. Mais ce n’est pas la seule raison. Les incertitudes grandissantes qui ont pesé sur le nucléaire depuis le tournant du siècle, l’absence de visibilité sur son avenir et les conséquences sur la continuité des recrutements, les débats sur Fessenheim, les décisions souvent incompréhensibles, voire absurdes, prises à Bruxelles, ont soulevé des interrogations sur l’avenir de l’EDF. Cet environnement psychologique n’a pas pu ne pas peser sur la qualité de la maintenance bien avant l’apparition des énergies renouvelables. Cela s’est traduit par un recours grandissant à la sous-traitance et pendant la pandémie par l’arrêt et le report de toutes les opérations.
Il n’y a aucune raison d’ordre industriel pour que l’EDF ne retrouve pas en un ou deux ans un taux de disponibilité de son parc nucléaire équivalent à ce qu’il était au tournant du siècle. De même, il faudrait lancer les investissements permettant un allongement de la durée de vie des réacteurs à 60 ans et au-delà. Ils peuvent paraître très élevés (30 G€ ?), mais ramenés au nombre de Mégawatts-h supplémentaires produits, ils seraient négligeables (moins de un euro par Mw-h). L’immense avantage d’une telle orientation serait de disposer, comme cela était le cas il y a deux décennies, de l’électricité la moins chère d’Europe (30 € par Mégawatt-h ?) et donc d’aider fortement à notre réindustrialisation. Elle en est même une condition nécessaire. Mais cette orientation se heurterait à des obstacles de taille : elle demanderait une volonté politique claire et sans faille afin d’apparaître pérenne, attirer les jeunes et convaincre l’opinion ; elle devrait s’accompagner, en priorité, de l’abandon de la priorité d’accès au réseau des énergies intermittentes et d’un moratoire, puis d’une révision, de nos programmes d’énergies renouvelables qui ne profitent aujourd’hui qu’à des fournisseurs étrangers, principalement chinois, et à des intermédiaires ; il faudrait enfin oser se battre avec Bruxelles et certains Etats européens, dont l’Allemagne, farouchement hostiles au nucléaire et aux grands avantages qu’en tirerait l’industrie française, ce qui ne sera pas tâche aisée comme le montre le débat actuel sur le fameux label vert !
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Beaucoup trop d’incertitudes pèsent sur les différents volets de toute politique de transition énergétique pour que des décisions étayées, raisonnables, pérennes, claires, compréhensibles par l’opinion, puissent être prises aujourd’hui. Toutes celles qui paraissent l’être comme la disparition à terme du moteur thermique, le tout électrique, les investissements massifs dans les énergies intermittentes, le ‘’mix’’ électrique, voire la fin du nucléaire, sont en réalité beaucoup trop prématurées et seront tôt ou tard abandonnées, autant de ruines laissées aux futures générations. Quant aux différentes voies qui s’ouvriront demain et parmi lesquelles il faudra choisir pour mettre en place une véritable transition énergétique répondant aux besoins climatiques et réaliste économiquement, elles n’en sont encore qu’au stade des recherches ou, dans le meilleur des cas, de démonstrateurs, que ce soit le stockage de l’électricité, la filière de l’hydrogène, les biocarburants, les réacteurs futurs, etc.
Il faut donc absolument se donner du temps et pouvoir soutenir des efforts importants en R&D avant d’être capable de prendre les bonnes décisions qui devront tenir compte des contraintes économiques, ce qui n’est pas le cas depuis vingt ans en France et en Europe. En effet, n’oublions jamais que la compétition est mondiale et que celui qui l’emportera en définitive est celui qui, à objectifs environnementaux donnés, aura su disposer de l’énergie la moins chère. A cet égard, la France a encore un atout considérable avec son parc électronucléaire actuel dont les investissements sont totalement amortis. A condition d’avoir le courage de le savoir et de le vouloir, elle doit pouvoir disposer à court terme et pour plus de vingt ans d’une électricité de loin la moins chère d’Europe en remettant au niveau d’il y deux décennies la disponibilité de ce parc et en prolongeant sa durée de vie. N’attendons pas un prochain black-out de nos réseaux, des délestages répétés ou la fuite d’entreprises à l’étranger pour décider ce programme, le plus sensé qui soit !
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