Scénarios pour la France

Rédigés le 15 avril 2021

SCÉNARIOS

Par Christian Despres

7/7/20247 min read

– I – Un printemps post-Covid avec des idéaux de Libération

Avril 2022 – Juin 2022

– II – Un refroidissement accompagné de relents réactionnaires Les vraies difficultés sont là et pour longtemps

Juillet 2022 – Juin 2023

I – Printemps …

Avril 2022

Le premier tour de l’élection présidentiel est prévu le 10 du mois.

La campagne électorale a été quelque peu inhibée par les effets directs et indirects de la pandémie. La circulation virale a largement diminué, sans pour autant être considérée comme éradiquée. Les activités sociales et économiques ont repris, mais la population demeure prudente, la culture des « gestes barrières » est maintenant ancrée, un peu comme en Asie. Si dans la sphère intime la vie est redevenue normale, les gens se méfient des grands rassemblements. Les partis politiques en ont tiré les leçons, renonçant aux grandes démonstrations de force à haute visibilité médiatique au profit des instruments de réunions numériques qui se sont popularisés pendant la pandémie.

La conséquence première en a été une atténuation des différences entre grands partis – à forts moyens logistiques – et petites structures. D’où une multiplication des candidatures et la sensation pour les « petits » d’avoir davantage de chance…

L’autre conséquence a été l’appauvrissement des débats. Une grande lassitude s’est emparée de l’opinion. Les télé-meetings sont des tribunes médiocres… très vite on déconnecte.

En amont de l’élection, aucun débat nouveau n’a surgi. Les idéologies ne sont plus que des ombres. Comme au lendemain des guerres, les gens veulent jouir. Et gare à ceux qui entraveraient cette jouissance !

L’obstacle principal est l’insécurité. Le sentiment d’insécurité face à la délinquance classique s’est renforcé. Mais c’est surtout la peur de l’étranger qui a explosé. L’allogène qui historiquement prenait notre pain, qui était encore récemment suspecté de nous imposer ses règles de vie ou sa religion, est de surcroit vu comme porteur de risque sanitaire. Certains n’ont en effet pas vécu avec trop de regret la fermeture des frontières.

En fin de compte, deux partis restent en lisse à l’aube du 2ème tour : celui du repli sur soi, et celui du pragmatisme.

Mai 2022

La prime au sortant a été efficace, mais l’écart de voix est ténu.

La France adore le changement, mais dans les périodes incertaines elle se complet encore mieux dans la continuité. Il a suffi au Président reconduit de reprendre le thème d’un de ses prédécesseurs, en 1974, celui du « changement sans risques ».

Et comme pour ce prédécesseur, les élections législatives s’annoncent – fait nouveau depuis le quinquennat – peu porteuses de stabilité gouvernementale.

Dans cette perspective, le nouveau Président avait le choix, soit de se renforcer par la gauche, soit de se renforcer par la droite.

Amateur de complexité, il adopte une politique transversale.

Mais il a compris qu’il ne trouvera pas le premier ministre ad’hoc. Au lieu de se mettre en quête d’une personnalité charismatique qui risquerait d’être clivante – comme un Chaban Delmas pour Pompidou – il s’oriente vers un quasi inconnu des médias, mais présumé très solide sur le fond – comme un Raymond Barre pour Giscard -.

En cela, il préfigure une sorte de VIème République, avec un régime devenu largement présidentiel. Fini le bicéphalisme.

Cette stratégie lui permet de former un gouvernement donnant à la fois des gages à la droite dure (Intérieur, Justice) et à une gauche gestionnaire à qui il va même jusqu’à confier les Finances, adoptant résolument une politique activement keynésienne.

Juin 2022

L’Exécutif n’a pas été démenti par les élections législatives. Mais il va devoir négocier en permanence de délicats équilibres.

Cette situation n’est pas en soi une nouveauté : Giscard l’avait connue et les périodes de cohabitation ont montré qu’on n’en mourrait pas institutionnellement.

La suite va se passer dans la rue.

La frustration va succéder à l’appétit de jouissance.

La population a appris durant les longs mois de pandémie que bien des dogmes étaient en guimauve. C’est le cas dans le monde du travail : le télétravail qui passait auprès des employeurs – au premier rand desquels, les administrations publiques – pour une sorte de caprice, voire d’imposture, a fini par être reconnu par une normalité.

La question n’est pas tant de pérenniser cet « acquis social » que de redonner de la crédibilité, au travers cet exemple caractéristique, aux autorités publiques et économiques.

Dans un autre domaine, les libertés publiques, la consistance de nombreuses mesures est apparue bien pauvre – comme les fameuses attestations de sortie et leur liste extensive de dérogations sujettes à interprétation- .

Il en est de même sur le plan de la science officielle, celle des experts médicaux qui ont dit tout et le contraire de tout, à longueur de journée sur les ondes.

Le Covid a permis de reculer bien des limites en même temps qu’il a instauré le doute dans tous les méandres de la vie quotidienne.

Le peuple va avoir besoin de justice, va vouloir faire payer les responsables.

Procès de Nuremberg ou procès de Riom ?

Qui seront les « femmes tondues » de cette nouvelle Libération ?

Et qui seront les « profiteurs » ?

Tout comme avant lui Clémenceau, De Gaulle et Churchill qui avaient guidé leur pays durant la crise et qui furent « remerciés » au cours des années suivantes, le président reconduit ne va-t-il pas être qu’un président en sursis ?

II – Refroidissement …

Juin 2022

Les français partent en vacances. Ils n’ont plus envie que de çà.

Les tensions et les multiples controverses liées au Covid, durant de longs mois, les ont saturés.

La campagne électorale qui a suivi a fait le reste. Les débats ont en effet été sans substance. La droite et la gauche n’ont plus de couleurs. Les écolos se sont révélés des politicards comme les autres. Les coups de gueule de Mélenchon ont diverti mais n’ont pas séduit les électeurs. Seul le RN a pu conserver une attractivité différentielle, mais reste pénalisé par une leader qui ne fait même pas l’unanimité dans son propre camp.

Le président sortant a été essentiellement réélu par défaut. Il rencontre une forte opposition égrenée sur l’ensemble de l’échiquier politique, avec une concentration à gauche et à l’extrême droite, mais il ne suscite pas le rejet comme ses deux prédécesseurs. Sa gestion de la crise Covid, marquée en deuxième phase par une insoumission au monde des experts médicaux a, au fond, été appréciée.

Mais ces considérations ne sont plus mobilisatrices. C’est l’été, après des mois de frustration, les français ont envie de jouir d’une liberté retrouvée.

Septembre 2022

Comme toujours, la rentrée menace d’être « chaude » socialement.

Mais les français ne sont pas encore prêts à assumer de nouveaux troubles, quels qu’en soient les fondements. Un peu comme dans l’entre-deux guerres, quand ils ne voulaient pas retourner au combat.

La situation sociale et économique est difficile pour une partie de la population. Le chômage a fait un bond. Paradoxalement, les couches les moins favorisées ne sont pas les plus touchées car ce n’est pas elles que la crise a frappé de plein fouet. C’est au contraire le cas des classes moyennes, professions libérales, petits patrons…

Eux vont venir grossir les rangs de l’extrême droite, retour du poujadisme.

Le parti concerné va en outre mettre en avant ses thèmes classiques du rejet de l’immigration et de la fermeture des frontières. Il saura, sur ce dernier point, jouer de la confusion entre les causes sanitaires – que la pandémie a en effet valorisées – et les autres enjeux sociétaux (séparatisme) propices au repli sur soi.

En fin de compte, la reprise s’effectue plutôt correctement. La perspective d’une année scolaire enfin normale joue le rôle de stabilisateur.

Sur cette lancée, l’année se terminera quasi normalement. La grande majorité n’a pas envie de voir d’éventuels troubles sociaux hypothéquer une nouvelle fois Noël et le réveillon.

Février 2023

Le passage à l’année nouvelle s’accompagne d’une nouvelle démonstration de la volatilité de la mémoire collective. L’hiver a un peu trainé en longueur. Un retour de l’inflation, la hausse de divers tarifs (en particulier ceux des opérateurs les plus touchés par la crise, comme la SNCF), la dérive en certains endroits de la fiscalité locale, le chômage, diverses tensions sociales liées à la reprise en main de la discipline du travail dans les entreprises (qui s’était relâchée avec le télétravail massif) engendrent un fort sentiment de mécontentement.

Ce mécontentement cache en fait un profond malaise sociétal dans lequel tout se mélange : la perte de repères sociaux, le sens du travail, la quête de perspectives de natures nouvelles respectueuses des équilibres naturels mais distinctes du militantisme écologique traditionnel trop sujet aux contradictions (on veut du nucléaire !) et trop politisé. Et une xénophobie montante.

Des relents de « révolution nationale » se font entendre.

Les mouvements zadistes se multiplient. Certains mouvements gilets jaunes se radicalisent, sporadiquement. Des abcès de violence secouent le territoire. Le sentiment qu’ils peuvent être excités depuis l’étranger inquiète l’opinion.

Quelques pays européens adoptent déjà des politiques fortement nationalistes qui inspirent certains de nos leaders.

La France qui se croyait gaulliste depuis la Libération est en train de renouer avec son ambiguïté historique. Le retour à la terre est partout prôné : par les bobos qui ont fui les confinements dans leurs résidences secondaires, par les néo-écolos qui font renaître une économie physiocratique, par les télétravailleurs endurcis et les promoteurs du tout numérique, par les classes économiquement faibles qui retrouvent de l’aisance à la campagne, par l’émergence d’une culture néo-gauloise identitaire… et tous murmurent que « la terre ne ment pas ».

Avril 2023

L’échéance du mois de mai nourrit rituellement les phantasmes. Mais cette année, il y a du grain à moudre. Les frustrations vont à leur tour jeter le masque. Mais quelles sont-elles ? Le plus pratique serait de dire qu’elles seront la combinaison des forces et courants de pensée qui se sont exprimés depuis une dizaine d’années en marge des institutions : bonnets rouges et gilets jaunes, zadistes, antifas et identitaires, religieux radicaux et laïcistes, hédonistes et survivalistes, déclinistes et réchauffistes, localistes et mondialistes, LGBTQI°° et tradis,complotistes et légitimistes…

Le vieux schéma marxiste qui oppose globalement deux classes d’intérêts contradictoires ne fonctionne plus. On assiste plutôt à une atomisation des enjeux et les binômes ambivalents se multiplient. Le fait marquant est l’intolérance croissante qui s’installe entre leurs deux pôles, de plus en plus violente. Un climat qui rappelle celui des ligues de l’entre-deux-guerres.